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« C’est un fiasco ! »

Innover, sortir des sentiers battus n’engage pas seulement un changement de posture de l’enseignant.e au niveau de son métier mais de l’individu dans son rapport au changement. Imaginer des nouvelles activités, de nouveaux projets engage une part de courage mais provoque également des attentes. Très naturellement, on anticipe, on espère des retombées positives pour soi…quelque chose qui nous donnera envie de continuer à être innovant, à sortir de sa zone de confort.

Lorsque j’ai commencé à changer mes pratiques d’enseignement, il y a quelques années, je n’ai eu de cesse de m’émerveiller à chaque cours. Je me rappelle avoir pensé que je n’aurais pas assez d’une vie pour raconter tout ce qui se déroulait au sein de mes classes…J’étais sortie de ma zone de confort et mes attentes étaient comblées. Ma sensation était que ce qui se jouait sous mes yeux était « Incroyable ».

Cependant, ce sentiment aurait pu être d’une toute autre nature, une phrase telle que « C’est un fiasco ! » aurait pu être prononcée. Ça a été le cas d’une collègue qui, réalisant une activité que je lui avait conseillée, à prononcer ces mots. Comment une même situation d’apprentissage peut basculer d’un « C’est incroyable » à « C’est un fiasco! » ?

Je pense que pour comprendre ce décalage de perception, il est intéressant se pencher sur les attentes.

Le métier de professeur est très exigeant. Les objectifs à atteindre sont compliqués. Je rappelle que le cahier des charges d’un enseignant est de faire acquérir des savoirs et savoir-faire à des adolescents qui sont contraints d’être scolarisés et qui ont mille et un autres centres d’intérêt que l’école. La transmission ne se réalise donc pas sereinement et facilement.

Les attentes sont multiples : inhérentes à la personne qui exerce la fonction de professeur, influencées par les raisons qui ont poussées cette personne à être professeur, mais aussi par les parents, la direction, la société etc.

Quand j’ai encouragé des profs à tester de nouvelles activités, j’aurais dû porter plus d’attention sur leurs objectifs, leurs attentes et expliciter davantage ceux que je visais dans mes activités.

Lorsque j’imagine un dispositif pédagogique ma seule attente réside dans ce qui va se jouer dans le cerveau des apprenants. Le résultat concret de ce qu’ils réalisent m’importe peu. Par exemple, lorsque je propose à mes élèves de réaliser des maquettes de bâtiments médiévaux je ne m’intéresse absolument pas à la beauté de leurs réalisations. Ce qui se joue dans l’activité c’est la recherche des informations (livres, manuels, internet…) pour déterminer les caractéristiques du bâtiment, la planification du travail, la collaboration dans le groupe, l’autoévaluation du travail etc. Parfois, les élèves n’ont pas réussi à ériger leur bâtiment car leurs compétences en bricolage ne sont pas terribles mais ce n’est pas grave puisque mes attendus se situent ailleurs. La maquette n’est qu’un prétexte pour leur permettre de pratiquer les compétences nécessaires à mon cours d’Histoire.

Le conflit socio-cognitif, la richesse des échanges entre eux et le débriefing rendent l’activité infiniment passionnante pour moi en tant que professeur et constructive pour eux en tant qu’apprenants. Si je ne m’étais concentré que sur le produit final et non sur le processus de réalisation j’aurais ressenti de la déception.

La richesse d’une activité se situe dans le processus et non dans la production finale. Dans cette optique, voici les questions permettant de structurer une activité pédagogique. Quels savoirs, savoir-faire ou compétences les élèves devront-ils utiliser en lien avec ma discipline ? Quelles attitudes de travail devront-ils développer ? Comment le débriefing pourra venir enrichir l’activité ? Etc.

C’est en se posant toutes ces questions, en amont de la construction d’une activité pédagogique, que vous pourrez prendre du plaisir à observer vos élèves travailler, à les voir réaliser les tâches que vous aviez soigneusement prévues.

Concernant les fameuses maquettes certaines étaient objectivement inabouties (voire moches) cependant c’était leur plan de travail, la recherche d’informations, la rédaction du dossier sur leur bâtiment, le travail de groupe que j’ai évalués. La réalisation d’une maquette n’était que le prétexte pour leur permettre de développer diverses compétences et attitudes.

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