Juste avant le confinement, j’ai eu la bonne idée d’acheter les lettres magnétiques de Céline Alvarez. Mon fils de 5 ans est dans une période où la lecture le titille. Il repère des lettres, les reconnaît, les confond aussi, il décrypte, scrute…C’est le moment idéal pour l’aider à structurer ces 26 symboles dans son cerveau.
Un peu d’histoire :
L’écriture et la lecture sont apparues assez tard dans l’histoire de l’humanité. En effet, il y a un peu moins de 5 000 ans l’homme a commencé à inventer un système de symboles pour transcrire les sons (phonèmes) en graphèmes (lettres ou groupe de lettre). La formation du cerveau de l’homo sapiens étant bien plus ancienne que l’invention de l’écriture, quelle région cérébrale allait stocker cette nouvelle connaissance ? C’est la région qui, chez l’homme comme chez les autres primates, sert à reconnaître les visages, les objets et les formes géométriques qui servira de lieu de stockage. Avant d’apprendre à lire, cette aire cérébrale n’est pas inactive, mais elle sert à autre chose qu’à lire.
En pratique :
Pour que le cerveau mémorise correctement ces 26 symboles, il faudra énormément solliciter la mémoire visuelle. Les jeunes enfants sont avides de connaissances et la plasticité de leur cerveau rend l’apprentissage plus facile qu’à l’âge adulte. Ce nouveau savoir nécessite de la patience et de la persévérance pour l’enfant aussi bien que pour l’adulte qui l’accompagne.
Mes expériences de Maman :
Qu’est-ce qui rend le coffret de lettres de Céline Alvarez différent des autres ? L’utilisation de 3 couleurs pour trier les graphèmes et donner du sens ! En rouge on retrouve les voyelles, en bleu les consonnes et en vert les digrammes tels que : CH, IN, ON, AN, OU.
Lorsque j’ai sorti le coffret de lettres pour la première fois, mon fils a d’abord voulu jouer avec les lettres. Un jeu qui le fait rire au éclats…inventer des mots et me les faire lire. Je l’ai suivi dans cette activité, cependant il y avait une règle pour que je puisse les lire : alterner des bleus et rouges ou des bleus et des vertes. « Idinfisan », « poumava », « moronsa » etc. Il a bien conscience que ces mots ne veulent rien dire, mais c’est lui qui les écrit. Son bonheur absolu est donc de me faire dire n’importe quoi.
Après ce moment de découverte, je l’ai fait travailler sur des mots dont il connait la signification et qui sont relatifs à des objets ou des animaux qu’il aime voir et utiliser. Mon fils est d’un naturel calme et a une grande capacité de concentration….mais là, il était devenu Monsieur Gigote. Il sentait qu’il ne maîtrisait pas ce nouveau « jeu » et cela le mettait en insécurité. Gigoter était l’expression de ce malaise. La première fois je n’ai donc pas trop insisté.
Deuxième essai deux jours après. Je me suis dis… »tu veux gigoter, tu vas gigoter ». Je lui ai donné 3 lettres semblables. Le B. L’activité consistait à déposer la lettre devant un objet de la maison qui contenait le son /b/. Il a trouvé le « banc », la « balle » et la « poubelle ». J’ai écrit au crayons ces 3 mots sur une feuille que j’ai déposé à côté des objets. Il devait repasser sur les lettres tracées au crayon avec un feutre. Ensuite, je lui ai demandé d’aller chercher dans la boite toutes les lettres permettant d’écrire chaque mot. Il devait donc se déplacer entre l’objet (et son nom inscrit sur la feuille) et la boite de lettres magnétiques placée à quelques mètres de lui.
Quel est l’avantage de cette dernière étape de l’activité ? Pour aller chercher la lettre correspondant à celle inscrite sur la feuille, il doit nécessairement conserver la forme du symbole (de la lettre) dans sa mémoire visuelle. Il va donc devoir trouver un « truc » pour la reconnaître parmi les 25 autres. Il va utiliser sa capacité de discrimination visuelle, outil bien utile pour un apprentissage justement très visuel. Mon fils a ri, a couru, s’est dépassé dans cette activité. Plus de malaise, de nervosité de sa part, mais une joie de travailler en jouant.
Pour des enfants qui ne tiennent pas en place naturellement (j’ai appris récemment qu’on parlait alors d’ « akathisie », plus exotique qu'(hyper)-actif), cette activité leur permet de ne pas mobiliser toute leur énergie à rester assis sans bouger devant leurs lettres.
Variez les postures, encouragez, félicitez, rigolez avec eux, jouez ensemble, amusez-vous…ce sont aussi des étapes indispensables à tout nouvel apprentissage. Cette activité, plus kinesthésique, est une façon parmi beaucoup d’autres de solliciter l’intelligence de l’enfant face à un nouveau savoir. Une fois que l’enfant se sent plus « compétent », dans la maîtrise de cette nouvelle connaissance, il gigotera beaucoup moins.
Il n’est pas nécessaire de mettre constamment en place des activités originales et innovantes pour motiver l’enfant à apprendre. C’est souvent juste le temps d’accrocher une nouvelle connaissance et de faire prendre confiance dans sa capacité à rentrer dans un apprentissage plus complexe.
Merci pour cet article passionnant! Je ne connais Céline Alvarez que de nom mais tu me donnes envie de me pencher sur son travail! Je suis admirative face à tes trésors d’inventivité pour accompagner les enfants dans leurs apprentissages!
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