Il y a quelques jours, j’ai eu la chance d’organiser dans mon école et d’assister à une formation animée par Joseph Stordeur. Orthopédagogue et formateur indépendant, il propose de former les professeurs à l’application concrète des neurosciences au sein de l’enseignement.
J’avais découvert J. Stordeur à travers son ouvrage « Comprendre, apprendre, mémoriser : les neurosciences au service de la pédagogie« . La lecture de ce livre m’avait déjà permise de construire des séquences de cours dont la structure respectait les phases nécessaires d’apprentissage pour un adolescent. Lors des derniers examens, le taux d’échec était, en moyenne, de deux élèves sur 22 dans mes classes de troisième année secondaire. Les autres années, un tiers des élèves n’atteignaient pas la moyenne.
La formation que J. Stordeur nous a offerte la semaine dernière fut d’une richesse incroyable tant du point de vue théorique que pratique. En tant qu’historienne, je n’ai pu m’empêcher d’imaginer un parallèle entre notre enthousiasme et celui des médecins du XVIe siècle. En effet, ceux-ci découvraient avec le médecin André Vésale et ses dissections publiques, l’anatomie détaillée du corps humain. Un pan entier du fonctionnement du corps humain était rendu compréhensible aux praticiens de l’époque. En tant qu’enseignants, nous sommes aussi des praticiens, nous pratiquons la didactique dans nos différentes matières, mais que connaissons-nous vraiment du fonctionnement du cerveau des adolescents en situation d’apprentissage ?
La lecture de l’ouvrage de J. Stordeur ainsi que sa formation m’a ouvert de nouvelles voies afin d’améliorer mon enseignement.
Pratiquement, voici comment j’ai organisé l’un de mes cours en me basant sur les neurosciences. Le cours d’Histoire dont je vais vous parler consiste à faire acquérir aux élèves l’utilisation du concept de système autoritaire.
La séquence de cours se construit en 3 phases : COMPRENDRE, APPRENDRE, MEMORISER
COMPRENDRE s’est accrocher à nos savoirs existants, de nouveaux savoirs. Pour faire comprendre aux élèves la notion de « pouvoir autoritaire », j’ai commencé par utiliser un vocabulaire compréhensible de tous : comment devient-on un chef autoritaire ? quels moyens/outils utiliser pour rester ce type de chef ? quelle image ces chefs donnent-ils d’eux-mêmes auprès d’un groupe ou d’un peuple ?. Les élèves ont visionné un documentaire présentant trois dictateurs et ont collecté des informations sur bases des questions précitées.
Durant cette phase, les élèves ont découvert que la question « comment devient-on chef ? » pouvait être remplacée par le mot légitimité d’un pouvoir. Ils ont également appris que les outils permettant de rester chef se nommaient : répression, propagande, censure etc.
Bien entendu, il ne suffit pas de dire des informations à des adolescents pour considérer qu’ils savent. Il faut passer à …
APPRENDRE, c’est-à-dire permettre une sollicitation répétée des nouveaux savoirs dans un laps de temps assez court. Je n’ai pas demandé aux élèves d’apprendre par coeur les définitions de ces nouveaux mots. Je les ai fait travailler en classe sur l’acquisition de ces termes. Les élèves ont participé à des activités qui nécessitaient une compréhension et une mobilisation de ces mots nouveaux (voir l’article : Un conflit constructif ?).
Parmi les outils d’apprentissages, J. Stordeur préconise le passage par une structuration des connaissances tels que des schémas heuristiques ou mind mapping.
Les phases d’évocation sont également nécessaires, elles consistent à se faire des images mentales des savoirs ou savoir-faire à mémoriser. D’autres pédagogues utilisant les principes des neurosciences recommandent de tester régulièrement les élèves afin de détecter les difficultés avant les interrogations certificatives. Ces tests peuvent se faire sous forme de QCM, textes à trous, schémas à compléter etc.
Vous pourriez, à juste titre, vous poser la question des corrections…Bonne nouvelle ! Durant ces moments d’appropriation des savoirs, il est plus intéressant que les élèves se corrigent eux-mêmes. En effet, ce sont eux qui doivent évaluer l’état de leurs connaissances !
Au cours de cette phase d’apprentissage, le professeur donne le rythme et les outils pour permettre à tous les élèves d’avoir la bonne méthode afin de maîtriser les connaissances indispensables.
MEMORISER à long terme, n’est possible que si l' »APPRENDRE » a été assuré. Les évocations répétées des nouveaux savoirs sont indispensables pour que ceux-ci restent en mémoire et soient utilisés dans des activités complexes. Certains pédagogues proposent alors aux professeurs de découper leur programme de manière à pouvoir revenir sur des chapitres à différents moments de l’année.

Enfin, quand les savoirs sont suffisamment consolidés, les apprenants peuvent procéder à des transferts, c’est-à-dire à réinvestir ces acquis dans d’autres situations.
Du côté de mes élèves, lors de l’examen de décembre, ceux-ci ont été confrontés à un homme de pouvoir jamais étudié. A travers l’analyse de huit documents, ils ont dû justifier pourquoi le régime de Louis XIV pouvait être considéré comme un système autoritaire. Ils ont dû ainsi mobiliser le concept et le vocabulaire associé. Dans l’ensemble, les résultats ont été vraiment bons. Cela signifie qu’en trois mois les élèves ont acquis un concept complexe et ont surtout été capables de l’appliquer !
Joseph Stordeur a ce don pour parler aux enseignants mais aussi pour donner des outils concrets à utiliser en classe. Il cite cette phrase de Henri Bassis « Tous les enfants sont capables à condition que leur en soient donnés les moyens ». J’en suis moi-même maintenant définitivement convaincue.